Agriculteurs : face aux premières conséquences climatiques
Le changement climatique est dorénavant bien documenté
Différents scénarii existent sur l’ampleur des évolutions climatiques mais la tendance ne fait plus de doute. Les prévisions du GIEC établissent que l’augmentation de l’effet de serre entraine une hausse de 15 à 50 % du flux de chaleur (à l’origine des canicules) et de 3 à 10% de l’évapotranspiration (source de précipitations). Ces phénomènes conjugués entrainent un déplacement de la distribution spatiale des pluies des zones tempérées vers les pôles et une augmentation des risques d’événements extrêmes.
Sur le territoire français, la hausse des températures va être ressentie partout et entrainer une augmentation de l’humidité de l’air (plus chaud, il contient plus d’eau) alimentée par davantage de prélèvement d’eau dans les retenues et dans le sol produisant ainsi un phénomène d’assèchement. Par ailleurs, le stock d’eau libéré dans chaque pluie est plus conséquent.
Concernant les précipitations, une fracture territoriale se dessine : au nord, on s’attend à une augmentation des volumes de précipitation, alors qu’au sud de la ligne Limoges-Lyon-Annecy, il y aura une diminution qui sera particulièrement marquée dans les Pyrénées et le Sud-est, avec une baisse sensible des débits des cours d’eau et de la recharge des nappes. Le changement climatique impacte aussi le calendrier des précipitations : tous les modèles prévoient une augmentation en hiver et une baisse significative en été et automne.
Les conséquences qu’entraineront les événements extrêmes seront de l’ordre de la sècheresse et des crues, de la submersion et de l’érosion sur les côtes. En outre, l’évolution des conditions pourrait réduire la capacité des sédiments à piéger les contaminants et accroitre la pollution des eaux.
S’adapter pour prendre en compte ces évolutions
Depuis 2013, la Politique Agricole Commune (PAC) a intégré l’action pour le climat parmi l’un de ses principaux objectifs et finance depuis des mesures pour lutter contre le changement climatique. Plus récemment, l’ensemble des agriculteurs ont été mis face à cette réalité émergeante, mais bien réelle : avec les canicules subies sur le territoire français en 2022 et les inondations dans le Nord de la France cet hiver, les consciences ont été marquées, le climat change, et ce n’est pas près de s’arranger.
Toutes ces évolutions climatiques viennent et viendront impacter la production agricole, autant animale que végétale, où le rendement des cultures et la productivité animale baissent et deviennent de plus en plus variables selon les années. Pour rester performant et robuste, le secteur agricole doit évoluer en particulier sur sa gestion de l’eau, des sols et sa capacité à anticiper les phénomènes climatiques. Repenser ses stocks, sa couverture assurantielle mais aussi évoluer vers un modèle de production moins sensible et plus durable en adaptant les variétés et les dates de semis, en diversifiant l’assolement et en travaillant sur la couverture des sols par exemple.
Pour continuer d’exercer leurs métiers, dans des conditions optimales, les agriculteurs doivent également requestionner leur organisation de travail : certaines tâches doivent être décalées et les horaires des collaborateurs adaptés aux besoins de l’exploitation. C’est une question de rentabilité de l’entreprise mais aussi de santé des travailleurs. Si la chaleur augmente jusqu’à devenir excessive, les ouvriers agricoles s’exposeront à d’autres dangers, tels que les rayons UV, la pollution et lespesticides, qui se révèlent être encore plus nocifs dans ces conditions.
Ainsi, il est important que les exploitants agricoles mesurent leur vulnérabilité aux évolutions et aux aléas climatiques, afin d’adapter ou repenser leur système pour optimiser leur performance, assurer leur robustesse et leur capacité à produire sur le long terme tout en jouant leur rôle dans la limitation du changement climatique.
L'accompagnement est important afin d'analyser leur contexte personnel et les enjeux liés sur leur exploitation et d’identifier des leviers d’adaptation pertinents. Des dispositifs peuvent les y aider à l’image du projet d’accompagnement des agriculteurs face au changement climatique porté par l’Ademe et le Ministère de l’Agriculture qui vise à accompagner la mise en place de démarches volontaires en agriculture, sur les enjeux climatiques et la santé des sols.
L’eau, une importante ressource à gérer pour l’exploitation
Sans eau, pas d’agriculture. Cette dernière est à l’origine de 9% des prélèvements brut d’eau douce (quand l’eau potable en compte 16%). Et elle représente 58% des prélèvements nets, c’est à dire des prélèvements qui ne sont pas restitués dans le milieu (car évaporé ou incorporé dans les plantes), l’eau potable en représentant 26%.
Face au changement climatique, la gestion quantitative de l’eau devient un enjeu primordial dont il est nécessaire de s’emparer.
En fonction des sols, de l’hydrologie des conditions climatiques locales, des besoins de préservation des écosystèmes et des systèmes de production, les enjeux eau de chaque exploitant diffèrent. Néanmoins, du fait du changement climatique, la gestion de cette ressource se complique d’année en année. Les contraintes comme les solutions diffèrent grandement d’un territoire à l’autre et s’envisagent nécessairement dans un cadre à définir avec les autres usagers de l’eau.
Des plans d’actions mis en place en régions
Au service d’une agriculture durable, des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) sont mis en place avec pour objectif la mise en œuvre de 100 d’entre eux, d’ici 2027. Reposant sur une approche co-construite, en prenant en compte les enjeux hydrologique ou hydrogéologique mais également les besoins des usagers du territoire, ces démarches doivent permettre une transformation de l’agriculture en profondeur afin de sécuriser son accès à l’eau. Au sein des territoires, ces mesures de partage visent à réhausser le niveau de disponibilité en eau des régions en déficit.
La déclinaison des actions menées prend tout son sens dans une logique territoriale. Ainsi, les réflexions menées permettent d’établir des solutions ciblant les problématiques régionales.
Dans le Calvados, le département a déjà lancé sa démarche PTGE de manière stratégique, se déroulant en quatre temps. Après la réalisation d’une carte des besoins actuels des usagers, en incluant les représentants de la profession agricole et des pêcheurs, un diagnostic est en cours afin d’évaluer si les ressources en eau de ce territoire pourront couvrir les besoins actuels et futurs malgré l’impact du dérèglement climatique. Avant la fin de l’année 2025, 3 scénarii seront construits pour évaluer leurs coûts et leurs bénéfices en vue d’en retenir un et de le mettre en action.
Quant à lui, le plan « agriculture climat Méditerranée » accompagnera les agriculteurs des territoires situés dans le bassin méditerranéen ainsi que ceux concernés pas l’impact de son dérèglement climatique, avec un objectif clé : la préservation d’une activité agricole leur permettant de générer un revenu décent. Concernant l’approche, le plan envisagerait plusieurs axes, mettant au cœur de ses ambitions la valorisation de la diversification au sein des filières locales. Plus de 50 millions d’euros seront investis dans les projets sélectionnés.