Paroles d'entreprise
Diversifier son entreprise
Publié le 12.09.2022
Paroles d'entreprise : se diversifier pour répondre à un besoin du marché
De l’électroménager à l’alimentation des animaux, le lien n’est pas évident si on ne connaît pas la famille Suignard. Commerçants de père en fils, l’esprit d’entreprendre est ici héréditaire. Se développer oui, mais localement et pour répondre à un besoin des consommateurs.
Ils sont jeunes et ont déjà accompli beaucoup. Fabien et Tatiana Suignard ont de l’énergie à revendre. Et il en faut pour coiffer leurs multiples casquettes ! Ils sont aujourd’hui à la tête de cinq sociétés qui gèrent neuf points de vente : deux structures proposent de l’électroménager et les sept autres des aliments et accessoires pour animaux. Ils emploient 43 salariés.
Une histoire de famille
Fabien Suignard est issu d’une famille de commerçants de Châteauneuf-du-Faou, commune du centre Finistère où s’était établi le célèbre peintre Paul Serusier. En 1948, Jean Suignard, le grand-père paternel, ouvre avec l’appui de son épouse un magasin d’électroménager incluant un service de dépannage. Quarante ans plus tard, son fils, Joël, en prend la suite avec son épouse Sylvie. Tout naturellement, le petit-fils, Fabien, intègre aussi l’entreprise familiale, d’abord en tant que salarié, puis très vite en tant qu’associé.
L’idée de la diversification
L’élément déclencheur du processus de diversification des activités a eu lieu en 2015. Cette année-là Fabien et Joël achètent un terrain à Carhaix-Plouguer, petite ville située à une vingtaine de kilomètres de Châteauneuf-du-Faou, pour y construire trois cellules commerciales, dont une hébergera leur nouveau magasin Gitem. Les deux autres doivent être mises en location. L’emplacement ne manque pas d’attrait puisqu’il est situé à proximité du site du célèbre festival de musique « Les Vieilles Charrues ». Finalement, sans préméditation, ce n’est pas un mais deux commerces que père et fils vont ouvrir à cet endroit. L’originalité se trouve dans le produit proposé qui n’a plus rien en commun avec l’électroménager.
En effet, la passion de Joël pour les pigeons voyageurs le pousse régulièrement à faire la route jusqu’à Quimper (à 40 km) spécialement pour acheter des aliments pour ses précieux volatiles. C’est alors que l’idée a germé d’implanter dans leur local commercial flambant neuf un magasin proposant de l’alimentation animale.
La concrétisation du projet
Le marché des aliments pour animaux étant très éloigné de ce qu’ils connaissent en tant que vendeurs/dépanneurs d’électroménager, Joël et Fabien s’intéressent plus en détail à cette nouvelle activité. S’en suit une visite de magasins et, surtout, la première rencontre déterminante avec les responsables de la franchise JMT, eux-mêmes également père et fils. C’est cette démarche qui a fini par les convaincre que ce projet était possible. Aussi, outre la gestion d’entreprise, ils validaient déjà plusieurs compétences nécessaires à la bonne marche d’un magasin : commercial, gestion des approvisionnements, gestion de la masse salariale… Ils portent toute leur attention sur le choix des produits pour bien maîtriser leur offre avant l’ouverture du magasin car ils vont faire face à une clientèle passionnée et souvent bien documentée sur le bien-être de leur animal de compagnie quel qu’il soit (chien, chat, oiseau, rongeur…). À ce moment-là, faire partie d’un réseau de franchises les a rassurés : « Un seul fournisseur avec une livraison hebdomadaire, un package de communication, un animateur réseau disponible. Bref, cela nous a grandement simplifié le projet. » Le concept leur convenait également car la franchise suggérait de limiter les investissements en favorisant l’achat de rayonnage d’occasion. Tant et si bien qu’en juin 2015 un nouveau magasin de 300 m2 a vu le jour avec un investissement modeste de 50 000 euros.
Une dynamique de croissance
Les premières semaines sont épiques car les clients sont nombreux et chacun doit prendre ses marques. Fabien et Joël revoient leur organisation pour être à tour de rôle présent dans les magasins de Carhaix et de Châteauneuf-du-Faou. Les salariés de la structure historique doivent s’habituer à une présence moins fréquente de leur responsable et ceux des nouveaux magasins à monter rapidement en compétences pour faire preuve d’autonomie. Un constat s’impose : l’organisation des magasins et des plannings ne diffère pas malgré la différence notoire des produits vendus. Au fil des années, l’activité de chaque magasin se développe, comme portée par une dynamique commune. Et une nouvelle opportunité se présente presque naturellement. Les gérants de six magasins JMT (de Quimper à Vannes) comptent partir à la retraite en fin d’année 2021. C’est alors qu’ils se tournent vers leur plus proche consœur, la famille Suignard. Ce nouveau projet de reprise est porté par le couple Fabien et Tatiana. Jusqu’à l’année dernière, leurs carrières professionnelles respectives étaient bien distinctes. Tatiana exerçait la profession d’infirmière avant de rejoindre Fabien à la direction des sociétés.
La confiance avant tout
Le travail en couple implique de bien se connaître et d’être conscients des qualités de chacun pour être complémentaires. Les époux Suignard ont abordé le projet de cette manière, Fabien se concentrant sur l’aspect organisationnel et financier des structures, Tatiana prenant en charge tous les volets propres aux relations humaines et sociales des entités. « En termes de gestion des ressources humaines, la reprise d’une entreprise n’a rien à voir avec la création d’entreprise. Les équipes sont en place avec leur façon de faire. Il faut s’adapter et prendre son temps pour faire évoluer les process. » Par ailleurs, passer de trois à neuf magasins n’implique pas simplement un changement de vie professionnelle mais aussi un changement de vie personnelle. Qui plus est lorsque l’on est parents de deux jeunes garçons. Ils le disent à l’unisson : « Le socle d’un tel processus de diversification est la confiance. Elle se gagne au compte-goutte et peut se perdre en litres. » La confiance entre eux, mais aussi vis-à-vis des salariés. En multipliant les activités, la rationalisation du temps consacré à chacune d’entre elles est de mise. Tatiana précise : « Notre projet repose sur trois éléments principaux : la formation des équipes, la délégation par magasin et la mise en place d’outils numériques facilitant le pilotage des activités. » Le volet formation vaut également pour les dirigeants puisqu’ils se sont formés à la méthode « OPR », Optimisation du Potentiel Relationnel. Avec le recul, ils estiment qu’elle leur a permis de mieux appréhender les transformations en adaptant davantage leur communication avec les parties prenantes des entreprises.
Au moment de tirer un premier bilan, c’est d’abord un sentiment de satisfaction qui prédomine. La satisfaction de prendre du plaisir dans ce qu’ils entreprennent. Mais aussi pour le sens qu’ils y donnent, à savoir améliorer le quotidien de leurs salariés et de leurs clients. « Il y a dix ans, nous n’aurions pas imaginé diversifier les activités des établissements Suignard, gérer quarante salariés et travailler ensemble. Mais si c’était à refaire, nous signerions tout de suite ! »