Témoignage client-adhérent Cerfrance
Une passion pour la conservation des sols
L'exploitation de Dominique Gaborieau est située à Genouillé, au sud de la Vienne. Son témoignage est riche d’enseignements pour tous les agriculteurs qui souhaitent suivre ses traces d’expérimentateur de terrain.
"Mes rendements sont les mêmes qu'en agriculture conventionnelle mais avec moins de coûts"
Jacques Mathé : D’où vous est venue cette passion pour l’agronomie et l’observation de la vitalité des sols ?
Dominique Gaborieau : Après mes études au lycée agricole de Venours, j’ai repris l’exploitation de mon père en 2004, qui était composée d’une surface de 140 hectares en grandes cultures, avec seulement 4 cultures. J’ai travaillé en parallèle dans différentes firmes de semences de maïs, pour lesquelles je réalisais le suivi des essais variétaux. C’était enrichissant de voir d’autres fermes et d’autres façons de travailler. Cela m’a permis de mieux comprendre ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, et m’a passionné.
J.M. : Quels ont été vos premiers essais ?
D.G. : Dès mon installation, je me suis demandé pourquoi les sols étaient nus une grande partie de l‘année, ce qui favorisait les adventices. Il fallait déchaumer, labourer… Bref, j’ai rapidement implanté des couverts végétaux. En 2005, il y avait peu d’offres d’élaboration de couverts proposées par les coopératives et peu de conseillers dans la région pour répondre à mes questions ou me guider. Alors j’ai tenté l’expérience seul !
J.M. : Et ces implantations ont-elles fonctionné comme vous l’espériez ?
D.G. : Oui, à ma grande surprise les premiers couverts étaient très fournis et je me suis posé la question de la valorisation de cette ressource, qui est la nourriture du sol mais aussi un aliment pour animaux. Je me suis tourné alors vers un producteur local d’ovins, pour lui proposer de faire pâturer ses moutons. On a un partenariat depuis 2007 qui est toujours d’actualité. On s’est mis d’accord sur les mélanges variétaux de façon qu’ils soient appétants et nourrissants pour les moutons. On fait notre cuisine pour mélanger 10 à 12 espèces de couverts. Il clôture électriquement mes parcelles dans la plaine et déplace les lots quand les couverts sont mangés. C’est efficace ! Pas besoin de les détruire et j’ai des amendements organiques en complément ! C’est un partenariat gagnant/gagnant. 600 moutons vont pâturer plus de 60 hectares tous les ans. Pas de bâtiment, pas d’eau pour les moutons, car les couverts contiennent suffisamment d’eau pour leurs besoins d’abreuvement.
J.M. : Le résultat est donc très positif…
D.G. : Oui, plus que je ne le pensais ! La structure des sols et les apports de matières organiques, directement assimilables, ont favorisé les cultures. Mes rendements sont les mêmes qu’en culture conventionnelle avec moins de coûts directs et des coûts de mécanisation réduits. Je divise le temps de travail du sol par deux et j’ai aussi simplifié mon équipement en matériel avec deux semoirs en semis direct et un outil à disque. Économiquement et agronomiquement, je suis satisfait du résultat. Au total, j’exploite 400 hectares et j’ai également une activité d’entrepreneur de travaux agricoles (ETA). Depuis que j’ai repris la ferme de mon beau-père, décédé prématurément, je travaille avec un salarié. On a diversifié notre assolement avec 9 cultures. Il ne faut surtout pas s’attacher à la marge par culture, autrement on ne fait pas le pas vers l’agriculture de conservation, mais à la marge globale annuelle, voire à l’évolution des résultats sur plusieurs années… On fait de la luzerne pour échanger du foin contre du fumier, donc le produit luzerne est plus faible que le produit blé, mais le rendement du blé derrière la luzerne va être favorisé. Au total, j’ai 50 hectares qui font l’objet d‘échanges contre du fumier grâce à 4 éleveurs partenaires. J’échange même du maïs contre du fumier ! Et j’en épands 2 500 tonnes par an. Enfin, j'héberge deux ruchers et leurs 120 ruches, pour favoriser la pollinisation des plantes.
J.M. : Comment vous êtes-vous formé à l’agriculture de conservation ?
D.G. : En fait, j’ai plutôt tâtonné sans trop savoir quels résultats j’allais obtenir. On n’apprenait pas cela dans les écoles d’agriculture. J’ai rencontré des chercheurs, des agronomes, pour mieux comprendre la vie du sol. J’ai rejoint des groupes de progrès vers 2015, animés par les agronomes de la coopérative. Cela permet d’échanger et de conforter mes pratiques culturales. On fait des analyses foliaires que l’on envoie aux Pays-Bas pour avoir les corrections d’oligo-élément. C’est vraiment très pointu dès que l’on s’intéresse à la nutrition des plantes. Le futur de l’agriculture de conservation sera moins le sol que la plante.