Une fromagerie québécoise à succès tournée vers l’excellence
"Ce qui importe est de préserver le sens initial de notre projet"
Jacques Mathé : D’où vous vient ce goût pour le fromage ?
M.C.H. : Mes parents avaient une ferme laitière bovine, je baigne dans le lait depuis toute petite ! À 13 ans, je voulais déjà être fromagère, donc j’ai fait des études d’agronomie que j’ai complétées par une année à l’école de fromager de Poligny, dans le Jura, qui est la référence mondiale. De retour au Québec, en 2005, j’ai travaillé dans différentes fromageries et je suis devenue consultante. Et puis, j’ai eu envie de faire mon propre fromage. La ferme familiale était en jachère. Avec mon frère Jean-Paul, nous avons rénové les bâtiments et redonné vie aux prairies pour y faire paître des brebis. J’aime le fromage de brebis et il n’y avait quasiment aucune offre au Canada.
J.M. : Comment avez-vous démarré le projet Nouvelle France ?
M.C.H. : On a d’abord obtenu les financements pour l’activité de la ferme et la production de lait, mais aucune banque n’a voulu financer la fromagerie ! On s’est retrouvé avec du lait et pas de fromagerie. Heureusement, la fromagerie du Presbytère, qui est très renommée au Québec, a accepté de nous louer temporairement une partie de ses installations pour réaliser nos premiers fromages. Et la collaboration a duré 11 ans ! On a vraiment joué gagnant-gagnant, mais il fallait faire 1h30 de route tous les jours pour transporter notre lait et faire le fromage !
J.M. : Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous relocaliser à Racine ?
M.C.H. : La croissance de notre production nous a obligés à investir et il fallait aussi plus d’efficacité dans notre organisation. On voulait aussi donner plus de sens à notre projet pour développer notre petit village réputé pour son marché fermier. En 2021, on a investi plus de 3 millions de $ dans la fromagerie et un magasin de vente. Bientôt, nous lancerons une nouvelle tranche d’agrandissement pour répondre à la demande grandissante. Quinze personnes travaillent avec nous, une belle équipe. Nous transformons 400 000 litres de lait.
J.M. : Comment expliquez-vous votre succès ?
M.C.H. : Il y a plusieurs facteurs. Tout d’abord, la qualité et la régularité de notre lait sont primordiales, car c’est lui qui conditionne le goût du fromage. Le travail réalisé par Jean-Paul à la ferme est donc essentiel. Nous nous fournissons à 80 % auprès d’autres fermes, mais nous les obligeons à respecter un cahier des charges assez précis. C’est notre élevage qui sert d’étalon. Nos fromages plaisent au client que ce soit pour le goût ou pour la stabilité. Dès la première année, nous avons été élus meilleur fromage du Québec et depuis, nous avons été primés tous les ans. Cela apporte de la notoriété et donc de la clientèle. Par ailleurs, en tant que consultante, j’ai consolidé ma réputation de bonne professionnelle du fromage et les distributeurs nous ont fait confiance. Et enfin, notre gestion prudente nous a permis d’avoir une trésorerie et un bon pilotage de l’activité.
J.M. : Quels sont vos projets ?
M.C.H. : Nous allons agrandir la salle d’affinage et aussi créer une gamme de produits laitiers : yogourts, bleu de brebis... Ce qui nous importe est de préserver le sens initial de notre projet, à savoir « faire le meilleur fromage de brebis pour assurer la pérennité financière des promoteurs, des fermes partenaires et pour notre communauté villageoise ».
Les clés de la réussite
Voici les quatre recommandations de Marie-Chantal Houde pour faire de son entreprise un succès :
- Ne pas se censurer dans ses projets, et faire ce que l’on aime sans s'éparpiller
- Ne pas craindre de demander de l’aide ou de trouver des partenaires. Par exemple, demander de la place de fabrication dans une fromagerie n’était pas évident
- Gagner en crédibilité pour convaincre les partenaires ou les financeurs
- Créer des projets qui sont porteurs de sens.